Kiwifou a écrit :
Existe-il des intellectuels qui ont eu des écrits mémorables sans avoir au préalable potasser leurs prédécesseurs ?
Malheureusement ma femme ne peut parler que pour les lettres classiques, et donc absolument pas dans les penseurs africains, asiatiques, etc. Et du coup, elle me dit qu'elle n'en connaît pas (Platon, Aristote ont dit qu'ils avaient eu des maîtres, Rousseau qui est un autodidacte dit que même s'il s'est formé seul, il s'est formé en lisant un tas de bouquins dans des bibliothèques...)
Kiwifou a écrit :
Mais je me demandais si il existait d'autres réflexions/type de réflexion qui n’apparaissent que dans des contextes particuliers.
Ma femme m'avait dit, lors d'une discussion il y a plus longtemps, je peux lui redemander pour plus de précisions, que ce que tu dis est vrai. Il y a bien des réflexions et des pensées qui n'apparaissent que dans un contexte particulier. En particulier, la langue est très structurante. Elle dit que par ex. le concept de démocratie n'aurait pas pu naître autre part qu'en Grèce (je parle bien du concept, pas du mot, il est évident que le mot est grec, mais il est bien moins évident que le concept n'ait pu naître que grâce à la langue grecque). C'est tellement vrai cette histoire de pensée / langue que tous les philosophes que je connais se sont mis à l'allemand (pour Heidegger - svp évitons le point Godwin je sais sa pensée profonde qui maintenant n'est plus un débat mais un fait avéré), au danois (pour Kierkegaard), etc.
J'ai fait une ébauche de réponse quant à l'ENS
au bout de ce lien (avant-dernier paragraphe). Je vais faire une réponse plus détaillée :
1. Quand on parle de l'université, du doctorat (comme ici), ce n'est pas du tout une fixette de parler d'ENS. Si on veut aborder le sujet avec humour, on pourra lire la BD "Carnets de thèse" de Tiphaine Rivière. Partout en France, arriver avec le tampon "ENS", c'est avoir un énorme cran d'avance dans ton dossier sur tous ceux qui n'ont pas le tampon, au moins dans les premières années. En dehors de la France ça n'a pas du tout la même valeur puisque les gens ne savent pas forcément ce que c'est (et c'est marrant de voir qu'en France le doctorat ce n'est pas du tout valorisé par les entreprises "ah, un mec qui ne sait rien faire" alors que c'est le contraire à l'étranger).
2. Évidemment il existe d'autres modes de sélection de la "super élite" française, mais ce n'est pas dans le cadre "université / doctorat" dont on parlait. Par ex. tout le monde va penser à l'ENA (École Nationale d'Administration) j'imagine quand on parle de "super élite" (puisque tout le monde, au moins au bar entre deux verres de rouge, parle politique en France), mais ce n'est pas du tout dans le même domaine. Et justement, lisez à peu près n'importe quelle biographie de notre président Macron. Si vous pensez que je fais une fixette, vous allez être surpris : on y apprend qu'il a raté le concours de l'ENS. Juste le mec a absolument tout réussi dans sa vie professionnelle, mais on lui ressort quand même ça pour lui donner une petite pique. Un peu comme si on ressortait le bulletin de l'abitur d'Einstein en disant qu'il avait eu une mauvaise note. Pour ce point particulier osef quoi... comme quoi...
3. La France est un pays de concours, depuis Napoléon. C'est un système quasi unique au monde, pour éviter le népotisme. Alors bien sûr on peut dire "ouaih mais t'as vu, y'a que des fils de riches qui réussissent dans les concours". Certes, il y a une énorme reproduction sociale (!invocation Darkent) dans ces concours [le feuilleton
L'École du pouvoir sur l'ENA est pas mal], mais je crois qu'on peut tous être d'accord que c'est bien mieux que de "nommer ses potes ou ses proches" (!invocation Pénélope). Je suis le premier à déplorer que l'éducation est très inégalitaire (l'école en France augmente les disparités sociales au lieu de les rétrécir aujourd'hui !), mais c'est ce problème qu'il faut régler je pense, qui réglera
a priori automatiquement ce problème de reproduction sociale dans les concours. Et du coup, comme pays de concours, si on avait parlé d'ingénieurs j'aurais cité l'X (Polytechnique) ou Saint-Cyr qui est également très connue cf. l'expression "faut pas avoir fait Saint-Cyr pour...", si on avait parlé d'hommes politiques j'aurais cité l'ENA, si on avait parlé de cadres dirigeants j'aurais cité HEC en plus de l'X... mais puisqu'on parle d'université / doctorat j'ai cité l'ENS. Je sais très bien que c'est un tout petit monde et que le trio ENA/HEC/X est bien plus connu, mais il se trouve que l'ENS est un exemple parfaitement pertinent pour illustrer "ceux qui ont le mieux réussi" dans le cadre qui avait été fixé - et qui n'avait pas été fixé par moi :)